Les entreprises de transport doivent respecter plusieurs obligations liées à leur empreinte carbone (informer les clients, publier des bilans d’émissions GES). Cependant, les méthodes de calcul des émissions utilisées aujourd’hui se fondent généralement sur des moyennes et une approche macro qui ne permettent pas de rendre compte de la réalité individuelle de chacune.
Par Ludovic Knysz, Directeur Transport, Groupe Interlog
Obligations légales nationales et européennes
En France, toute entreprise de transport de voyageurs ou de marchandises a aujourd’hui l’obligation d’informer ses clients de la quantité de gaz à effet de serre (GES) émise pour chaque prestation. Les entreprises de plus de 500 salariés sont également tenues de réaliser, tous les quatre ans, un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES).
Parallèlement à ce cadre législatif national, de nouvelles obligations de reporting de durabilité vont progressivement s’imposer aux entreprises européennes à travers la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Dès le 1er janvier 2024, les entreprises cotées employant plus de 500 personnes et réalisant un chiffre d’affaires de plus de 40 M€ devront ainsi suivre des normes européennes de reporting de durabilité obligatoires et publier des informations détaillées sur leurs risques, opportunités et impacts matériels en lien avec les questions sociales, environnementales et de gouvernance. A partir du 1er janvier 2025, la CSRD sera élargie à toutes les entreprises de plus de 250 salariés et réalisant un CA de plus de 40 M€.
Dans tous les cas, les entreprises se trouvent face à une double question : celle de la méthode de calcul, et celle des données à prendre en compte. Le législateur apporte certes des réponses, mais sont-elles satisfaisantes ?
Des calculs complexes… et imparfaits
Que ce soit pour l’obligation d’informer les clients ou pour produire un bilan d’émissions de GES, l’Etat et l’ADEME fournissent aux prestataires de transport des guides relatifs aux méthodes de calcul et aux données de référence à utiliser.
En termes de méthode de calcul, l’une des premières complexités est celle du périmètre opérationnel à prendre en compte. Il est en effet nécessaire d’intégrer les émissions directes (scope 1), les émissions indirectes associées à l’énergie (scope 2) et les autres émissions indirectes (scope 3).
Mais ne serait-ce que pour calculer le scope 1, il faut déjà disposer d’une photographie parfaitement nette du flux de transport. Pour le transport routier, le flux est relativement simple puisqu’il suit le réseau routier. Mais pour l’aérien et (surtout) le maritime, le flux n’est jamais exactement le même pour un trajet équivalent.
De plus, les données de référence proposées par des organismes comme l’ADEME sont des moyennes, basées sur des facteurs d’émissions et des ratios types. Quid du matériel utilisé pour tel ou tel transport de marchandises ? Quid des conditions météo ? Quid des ruptures de charge sur un trajet donné ? Etc.
Pour ces deux raisons (approximation des flux et utilisation de données moyennes), les méthodes de calcul des émissions de GES rendent compte d’ordres de grandeur macro, et non des émissions réelles et fiables de chaque acteur.
Fiabiliser la collecte des données réelles
Afin de rendre les calculs d’émissions de GES plus fiables, plusieurs approches peuvent être adoptées.
La granularité des données et la capacité à les analyser le plus finement possible – avec des outils de data intelligence et d’IA de dernière génération – font partie des facteurs les plus déterminants.
L’utilisation des données les plus récentes et spécifiques sont également cruciales pour des calculs précis. Les progrès technologiques modifient constamment l’efficacité énergétique des véhicules de transport et il est essentiel de mettre régulièrement à jour les données et leurs sources. Le croisement des données provenant de différentes sources peut également aider à vérifier leur exactitude.
Les calculs doivent aussi s’adapter aux contextes et conditions réels des flux de transport (météo, style de conduite, types de chargement, …).
Il n’est plus possible, aujourd’hui, de se baser sur des moyennes et des chiffres théoriques. La fiabilisation et l’harmonisation des méthodes de calcul doivent être à la hauteur des ambitions et des objectifs fixés par l’UE. Pour l’environnement, mais aussi – et on ne le répètera jamais assez – pour la performance “business” des entreprises.
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