Le marché du e-commerce de seconde main explose, les consommateurs adorent, les plateformes d’échange numériques se multiplient. Comment cette nouvelle économie de partage s’est-elle organisée ? Une étude menée par plusieurs chercheurs, dont Aurélien Rouquet de NEOMA Business School, révèle le rôle déterminant de la logistique et de la supply chain.
Depuis une dizaine d’années, le marché de la seconde main est en plein essor à travers le monde. Estimé à plus de 7 milliards d’euros en France en 2022, il concerne au moins un cyber acheteur sur deux. Que ce soit pour l’attractivité des prix ou par sensibilité écologique, les consommateurs sont prêts à troquer tout type de produits, des vêtements aux romans. Ainsi, les sites de vente en ligne consumer-to-consumer (C2C), permettant à des inconnus d’échanger des biens, prolifèrent au point, pour certains, d’accéder à une réussite notable à l’image de Vinted, Etsy, eBay et Vestiaire Collective.
« Derrière ces succès, se cache une solide organisation, jonglant habilement entre expériences et exigences des clients. Dans notre étude, nous nous sommes intéressés à la logistique et aux supply chains de ces plateformes, scrutant l’organisation depuis la vente du produit à sa réception », explique Aurélien Rouquet, enseignant-chercheur de NEOMA et co-auteur de cette étude. L’objectif : déterminer les caractéristiques de cette nouvelle économie de partage.
Assurer la sécurité et la fiabilité des échanges
Comment fonctionne une supply chain classique, comme celle adoptée par les sites de e-commerce business-to-consumer (B2C) de type Amazon ou Cdiscount ? la marchandise est d’abord centralisée sur un entrepôt puis envoyée vers les consommateurs. « Au contraire, dans le cas de l’économie de partage, cette chaîne ressemble davantage à une toile d’araignée connectant les individus entre eux. L’entreprise joue le rôle d’intermédiaire entre les consommateurs dont la place au sein du réseau est revalorisée ». En plus d’être acheteur et potentiellement vendeur, celui-ci devient logisticien, choisissant lui-même le distributeur pour l’envoi de son produit. « L’enjeu majeur de ces plateformes est donc d’assurer la sécurité et la fiabilité de leur système afin de convaincre les usagers d’échanger par leur intermédiaire ».
Acquérir la confiance dans la jungle d’Internet
En pratique, les échanges de certains biens, notamment technologiques ou à haute valeur marchande, sont confrontés à certaines limites. « Les acquéreurs veulent s’assurer de la qualité et de l’authenticité d’un objet avant de mettre la main au portefeuille. Un défi difficile, mais pas impossible ». Dans leur étude, les chercheurs soulignent la stratégie adoptée par l’entreprise Vestiaire Collective, spécialisée dans le luxe d’occasion. Afin d’assurer l’authenticité des produits l’entreprise a pris le parti d’agir comme un intermédiaire physique. Autrement dit, un objet vendu est d’abord envoyé à l’un de ses entrepôts pour y être certifié. « Si le cas de Vestiaire collective est toutefois une exception dans le milieu de l’occasion en ligne, il s’avère pertinent pour la revente de produits spécialisés ».
Plus largement, la souplesse et la maniabilité des sites C2C renforcent la fiabilité des échanges. Leur organisation s’adapte aussi aux exigences des utilisateurs. Un vendeur et un acheteur peuvent par exemple décider d’échanger un bien en mains propres. « L’étude montre ainsi que l’organisation stratégique d’une supply chain joue un rôle déterminant pour gagner la confiance des internautes au même titre que le système de commentaires et de notation des vendeurs, déjà mis en place ».
Toutefois, l’avenir de ce modèle est loin d’être intangible. « Le succès de certaines plateformes ouvre la porte à des envois internationaux et interroge l’impact carbone d’une démarche qui se voulait initialement vertueuse ». De plus, de grandes entreprises comme Décathlon et IKEA s’emparent à leur tour du marché de la seconde main, en connectant les consommateurs pour revendre des produits de leur marque dont ils n’auraient plus besoin.
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