En proposant une plateforme de traçabilité et de transparence pour les supply chains de l’Industrie basée sur la blockchain et le machine learning, Tilkal permet aux entreprises de mieux produire et aux consommateurs de mieux consommer. Explications avec Matthieu Hug, CEO & Founder de Tilkal.
Comment pourriez-vous décrire Tilkal ?
Tilkal est une société que j’ai créée avec mes deux associés il y a cinq ans. Notre métier est de permettre aux industries d’organiser une traçabilité de bout en bout de la chaîne d’approvisionnement, depuis l’origine de la matière première jusqu’au client final. Ce dernier pouvant être une entreprise ou un consommateur. Nos principaux clients vont des ETI aux grands groupes, comme Danone, The Responsible Mica Initiative ou Daher.
Nous avons récemment lancé pour un de nos clients (IKKS) un projet qui transmet aux consommateurs, via le scan d’un QR code sur l’étiquette, le parcours exact des produits de la marque : de l’origine depuis le tissage, jusqu’à leur arrivée en magasin. Autre exemple dans un secteur différent avec Cœur de Lion et leur gamme de fromages Coulommiers : le groupe Savencia (propriétaire de la marque) étant très engagé sur la qualité des pratiques agricoles, leur objectif est de faire valoir au consommateur l’origine du lait utilisé dans leurs fromages et leurs pratiques de fabrication.
Comment les technologies blockchain et machine learning contribuent à améliorer la traçabilité/transparence dans la supply chain ?
Aujourd’hui, l’ensemble des industriels connaît ses fournisseurs de rang 1, qui sont les fournisseurs directs. Certains connaissent aussi leurs fournisseurs de rang 2. En revanche, au rang 3 et au-delà, l’opacité est importante. J’y vois plusieurs conséquences : lorsque vous ne savez pas ce qui se passe dans votre supply chain, il est fort probable que des dysfonctionnements s’y produisent, avec par exemple des risques de contrefaçon et de fraude (un produit sur quinze entrant dans l’Union Européenne est issu de la contrefaçon). Autre risque, celui du travail d’enfant et de l’esclavage : il y a 150 millions d’enfants qui travaillent dans le monde (dans les champs, dans les mines, dans les ateliers de couture, etc.) et près de 45 millions d’esclaves.
Le problème, c’est que peu d’entreprises disposent d’outils pour avoir une visibilité précise sur leur supply chain de bout en bout, ce qui créé une incapacité à faire la preuve de ses engagements et à répondre de manière sûre et agile à la demande de réassurance des consommateurs ou aux pressions réglementaires. Celles-ci s’intensifient aujourd’hui, notamment en Europe et aux Etats-Unis, rappelant d’une part aux industriels qu’ils ont un devoir de vigilance qui s’étend à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, et inversant d’autre part la charge de la preuve : c’est désormais aux industriels de démontrer qu’ils sont en phase avec les réglementations.
Une tendance très forte se dessine ainsi, avec la nécessité que les industriels soient en mesure de fournir toutes les informations sur l’origine des produits, sur cette traçabilité : d’où viennent les produits, comment sont-ils transformés, comment sont-ils transportés, stockés, etc. ? En lieu et place de la traçabilité de « process » existante, partielle et documentaire, il faut une traçabilité « de flux » capable de représenter ce qui se passe réellement dans la vie d’un produit. Exemple avec les rappels de produits en France et dans le monde, qui nécessitent de nombreux mois avant que les produits ne soient retirés de la consommation en raison d’une méconnaissance de leur localisation.
Comment la technologie intervient justement ?
Les technologies blockchain et de machine learning peuvent aider à tracer ces flux. Pour rappel, la blockchain est une technologie assez simple : c’est une base de données distribuée (qui est copiée chez tous les participants) avec un algorithme qui va synchroniser ces différentes copies. La manière dont les données sont structurées fait que ces données ne peuvent pas être modifiées.
Tilkal utilise ainsi la blockchain pour créer un réseau d’échange de données BtoB confidentiel, sécurisé, et auditable. Tous nos clients, ainsi qu’une partie de leurs fournisseurs, ont une copie de cette base de données et vont l’utiliser pour “déclarer” de l’information sur le mouvement de la matière. Exemple : j’ai reçu le lot 23, j’ai X personnes dans mon usine, j’ai acheté 25 sacs de cacao à tel endroit, tel jour, à tel moment. Tilkal agrège ensuite toutes les informations déclarées pour créer une représentation bout en bout et temps réel de la supply chain.
Enfin, via le machine learning, une analyse est effectuée qui va permettre de déterminer si globalement les informations reçues des différentes parties prenantes sont cohérentes, ou non, et en alerter l’industriel.
Grâce à ces technologies, la plateforme Tilkal crée une vision transparente et responsable du cycle de vie de bout en bout des produits et des matières premières, et appuie la conformité.
Comment cette technologie contribue à responsabiliser les entreprises face aux défis sociaux et environnementaux d’aujourd’hui ?
Aujourd’hui, quand la plupart des entreprises communiquent sur leur engagement RSE, elles le font sur ce qu’elles voient de leur supply chain… c’est à dire pas grand-chose ! Notre objectif est donc de leur donner de la visibilité et du contrôle pour mieux produire et mieux consommer, comme avec l’ONG The Responsible Mica Initiative, qui rassemble 80 industriels sur la problématique du sourcing d’un minerai qui s’appelle le mica. Afin de garantir un approvisionnement durable, nous collectons auprès des membres des données précises et auditables sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement en mica afin de fournir une évaluation du risque global d’exposition à du travail d’enfant, et d’identifier les acteurs qui respectent ou non les règles.
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