bp2r, le cabinet de conseil en Supply Chain spécialiste du transport de marchandises, dresse un état des lieux du marché et fait émerger ses perspectives dans la dernière édition de son Cahier des Tendances. Le point sur la partie transport avec Luc Chambonnière, associé en charge du pôle Prestataires de transport.
Quels sont les principaux enseignements que vous pouvez tirer de votre Cahier des Tendances, sur la thématique Transport ?
Globalement, l’année 2022 a été une année assez atypique, dans le sens où il y a eu énormément de choses qui ont modifié l’équilibre classique. Une année qui a démarré dans la foulée de 2021, à savoir, plutôt bonne au niveau des volumes d’exploitation à transformer, dans un contexte qui était très haut pour la partie maritime, haut sur la partie route avec une forte tension d’un point de vue capacitaire.
Et c’est vrai que l’année ne s’est finalement pas du tout déroulée comme on aurait pu le croire lors des premiers mois de l’année 2022, en raison de la crise ukrainienne. D’autre part, l’impact de la hausse des énergies a été très fort. Sur le transport, on parle bien évidemment de la hausse des investissements en gasoil, impactant fortement le coût du transport en 2022 et sur lequel.
Il est d’ailleurs intéressant de constater que globalement, les chargeurs ont plutôt bien accompagné les transporteurs dans la prise en charge de ces différents surcoûts. Une hausse de coûts qui s’explique aussi par la pénurie de chauffeurs. Un vrai sujet d’inquiétude, certes pas nouveau puisqu’on en parle depuis près de 50 ans, il est donc devenu structurel. Beaucoup de personnes ne sont plus attirées par ce métier. Un phénomène qui s’est amplifié avec le Covid. Avec la rareté de la main d’oeuvre, une douzaine de % de hausse ont été accordées aux salaires des chauffeurs l’année dernière.
Pas mal d’incertitudes donc avec un espoir que les effets de ces crises allaient se dissiper à partir de la rentrée. La réalité a été toute autre. Quand bien même, le secteur a réalisé une bonne année 2022.
Quelles sont les principales priorités en 2023 pour les transporteurs ?
Les prévisions ne sont pas très bonnes pour 2023. Le début d’année a été extrêmement calme, un constat classique car le mois de janvier est souvent comme ça, après les fêtes de fin d’année. Mais 2023 débute avec une activité en baisse de 20 à 30% comparée aux périodes similaires.
Au niveau des transporteurs, la rentabilité représente la première préoccupation. Ils ont déjà réussi à renégocier un peu à la hausse leurs contrats avec les clients et ils vont chercher à renforcer leurs partenariats en construisant des relations encore plus fortes. Un point d’attention est porté vers les transporteurs qui ont de grosses charges fixes puisqu’ils vont être tentés de compenser l’érosion de leurs clients actuels, en termes de volume, par l’acquisition de nouveaux clients. Ce qui peut aboutir à une diminution des prix de marché. C’est une hypothèse.
En outre, les priorités de cette année seront liées aux attentes de leurs chargeurs qui sont de plus en plus fortes aussi bien sur la digitalisation des process que sur la décarbonation.
Quid justement de la décarbonation dans ce monde du transport ? Où en est-on ?
Les attentes depuis quelques années sur le sujet sont de plus en plus fortes, avec une accélération depuis la crise sanitaire. L’objectif est de se positionner dans une démarche où on peut suivre avec précision le montant des émissions de CO2 liées au transport et mettre en place des feuilles de route pour décarboner.
La question à se poser est : quelle est, ou quelles sont les énergies alternatives à adopter pour remplacer les véhicules thermiques ? Il n’y a malheureusement pas aujourd’hui une motorisation qui est plus pertinente qu’une autre. Le gaz présente un réel intérêt sur un projet de décarbonation quand il s’agit de biogaz ou de carburants bio. Mais les capacités de production de carburant de ce type ne permettent pas d’avoir un recours massif à cet énergie.
Il reste la piste des véhicules électriques, très efficaces sur le rejet en CO2, mais qui restent très insuffisant en termes d’autonomie pour un usage massif. Quant à l’hydrogène, nous ne sommes qu’au stade embryonnaire.
Par ailleurs, différents leviers peuvent être actionnés. Ils peuvent travailler sur le conditionnement de leurs marchandises, le packaging de celui-ci, les taux de remplissage des colis, les fréquences de livraison. Toutes ces actions sur lesquelles ils ont intégralement la main peuvent être très impactantes en termes d’émissions CO2.
Le vrai cœur du sujet sur la question de la décarbonation, c’est la capacité qu’ont les chargeurs à accompagner leurs transporteurs. À partir du moment où il s’agit d’une solution qui va être peu ou proue iso en termes de coût, le chargeur va privilégier cette solution plus verte. Si en revanche, la facture devient plus élevée, ça devient compliqué. Notamment dans une période d’incertitude.
De notre côté, on s’en rend compte dans les appels d’offre puisqu’il y a un décalage entre ce qui est initialement envisagé et ce qui est retenu. La partie économique reprend le dessus.
Mais c’est vrai qu’on assiste à une véritable prise de conscience de tous les acteurs de ce secteur du transport qui essaient de privilégier des solutions qui vont dans le sens de la préservation de la planète.
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