Derrière l’expédition des colis e-commerce se cachent des enjeux de logistique durable. L’impact du packaging à lui seul représente 45 % des émissions de gaz à effet de serre du e-commerce mondial selon Statista. Comment optimiser l’emballage des produits pour réduire son bilan carbone ? Les réponses de Gérard Mathieu directeur Marketing et Innovation chez Smurfit Kappa France, producteur d’emballages en carton ondulé.
Il n’y a jamais eu un tel focus sur l’emballage e-commerce et son impact environnemental. Pourquoi ?
La crise sanitaire et les confinements successifs ont mis en évidence la place croissante occupée par le commerce en ligne. Cette croissance rapide a renforcé l’importance d’un développement éco-responsable des activités logistiques propres au e-commerce. Il existe aujourd’hui une forte pression des consommateurs mais aussi du législateur.
Comment cela se traduit-il ?
Côté client, il est clair que les emballages surdimensionnés par rapport au volume de la commande ne sont plus en odeur de sainteté. Car c’est autant de millions de tonnes de dioxyde de carbone émises inutilement. Côté législateur, les réglementation se multiplient : Loi Agec, SUP Plastique, sans oublier la nouvelle réglementation européenne qui sortira en 2024.
Que va-t-elle imposer ?
Il serait question de fixer à 40 % le taux de vide maximal dans un emballage e-commerce. On en est encore loin ! Même si les plus gros donneurs d’ordre, qui ont mis en place des systèmes automatisés, ont déjà anticipé en intégrant différentes solutions sur leurs lignes de production. D’ailleurs, certains d’entre-eux ont signé la charte d’engagements instaurée par la Fevad et l’État en juillet 2021, pour la réduction de l’impact environnemental du commerce en ligne.
En pratique, certains ont installé en bout de chaîne un système de rattrapage de la hauteur, qui permet de réduire de 15 à 30 % le taux de vide. D’autres acteurs importants, comme Cdiscount, ont adopté un système de « box-on demand » qui permet de fabriquer les boîtes sur-mesure, instantanément, selon la taille et le type de produits à expédier. Clairement, cette solution mécanisable à haute cadence s’avère très intéressante. Les progrès en la matière sont impressionnants, et ce qui au départ était un emballage grossier devient maintenant beaucoup plus qualitatif, avec notamment des emballages constitués de 2 parties, une coiffe et un couvercle, avec bientôt une impression extérieure simple en ligne sur une ou plusieurs faces. C’est très performant, cela assure un taux de vide inférieur à 20 %, mais c’est une solution coûteuse en investissement. De plus, elle ne convient pas à tous types de produits : pour les bouteilles par exemple, qui sont fragiles, ce n’est pas la solution qui convient.
Quelles solutions proposez-vous ?
Plus de 800 concepteurs travaillent chez Smurfit Kappa dans le monde pour proposer des solutions éco-responsables. Pour plus de commodités pour nos clients, nous avons raisonné par segments de marché. Nous avons créé de nouvelles gammes spécialement dédiées à l’emballage de produits vendus en e-commerce : eFlower, eBottle (avec 12 emballages de base différents !), eFashion (mode) et eHealth & Beauty (cosmétiques). Nous prévoyons d’en lancer une ou deux nouvelles encore cette année. Nous avons aussi développé une nouvelle gamme de modulos pour le transport de bouteilles et surtout de caisses bouteilles (modulowood).
Beaucoup de nos clients insistent notamment sur le problème de casse. C’est la raison pour laquelle, dans nos deux centres d’essais, l’un en Hollande qui est certifié Ista, l’autre en France à Epernay, nous multiplions les « crash tests » (chutes, vibration, écrasement, jusqu’au test du tambour qui n’est plus dans la norme, mais qui selon nous est très représentatif des circuits les plus contraignants….) pour vérifier la solidité de nos emballages et la qualité de la protection qu’ils assurent.
Quid du matériau ?
Nous sommes producteur de carton ondulé. C’est le matériau idéal pour ces emballages. Nous pouvons les mettre à plat (gain de place) et le matériau est recyclé et recyclable. Il coche toutes les cases et plus de 90 % des emballages e-commerce sont logiquement en carton ondulé. Egalement, nous nous efforçons de ne plus utiliser de plastique, ou le moins possible. Par exemple, nous remplaçons le calage thermoformé par du calage en carton ondulé. Je précise que sur tous nos devis, nous faisons figurer la valeur en CO2 (départ usine) de l’emballage que nous livrons. Cela aide nos clients dans la prise en compte du Scope 3 (c’est-à-dire les émissions indirectement produites par les activités de l’e-commerçant qui ne sont pas comptabilisées au Scope 2). Même si ce n’est pas encore obligatoire. Mais bientôt, le e-commerçant devra justifier son Scope 3 par rapport à l’emballage.
Pour finir, où en êtes-vous de votre propre plan de décarbonation ?
En 2019, nous avons lancé l’initiative Better Planet Packaging, un programme ayant pour vocation d’offrir des emballages toujours plus respectueux de l’environnement. Nous nous engageons à réduire de 30 % nos déchets envoyés à la décharge d’ici 2025. Nous visons aussi le zéro émission carbone en 2050. Nous sommes en bonne voie : nous avons augmenté de 15 % notre objectif intermédiaire de réduction du CO2 pour 2030, passant à 55 %, par rapport à la référence de 2005.